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VERS LE SUD, LA HAUTE CHAINE :  un monde marqué par les glaciers et par l’eau

Une crête dénudée court plein sud jusqu’au pic de l’Aspre, dominant franchement les vallées encaissées de l’Artiès à l’ouest et du Gnioure à l’est. La similitude entre ces deux vallées est frappante : même orientation nord/sud (orientation de la plupart des vallées pyrénéennes, dont les cours d’eau coulent perpendiculairement à l’axe principal) et mêmes successions de plas et de verrous qui sont autant de traces de l’érosion glaciaire. On est face au royaume de la haute montagne, domaine des isards et des grands rapaces, où l’homme ne s’aventure que de manière temporaire. C’est un monde essentiellement minéral, mais qui fait cependant partie d’une zone ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) en raison de son intérêt écologique et botanique (mouillères à Drosera, et éléments de la flore alpine comme la Ranunculus glacialis

Lors de la dernière grande glaciation, celle du Würm (du nom d'un affluent du Danube); un puissant glacier, long de 35 kilomètres, en provenance des hauts sommets frontaliers (Estats et Montcalm) a façonné la vallée du Vicdessos avant de rejoindre à Tarascon le glacier de l'Ariège qui descendait de l’Andorre. D’autres petits appareils glaciaires, celui de la vallée de Goulier, celui de la vallée de Siguer sont venus confluer avec lui. Le haut Vicdessos, dont la vallée est cachée par la crête des Laquels qui culmine à 2858m au pic de Malcaras présente toutes les caractéristiques d’une vallée glaciaire : forme en auge, lacs naturels retenus par des moraines (Médécourbe, Soucarrane), succession de verrous et d’ombilics (pla de Soulcem, pla de l’Isard).
Dans le secteur d’autres traces du passage du glacier sont visibles sous forme de stries : en effet, quand un glacier avance, il "frotte" le fond et les parois de sa vallée, les use, les polit, et les raye.

Le bloc erratique qui domine le village de Sem    Le glacier a également laissé en chemin des blocs erratiques, comme celui qui domine le village de Sem et dont la forme rappelle vraiment un dolmen. En fait, ce n’est ni un vestige mégali-thique, ni un caillou jeté par Samson (comme le prétend une légende) mais bien un bloc granitique que le glacier a déposé à 1030 mètres d’altitude, soit plus de 300 mètres au dessus du lit actuel de la rivière. Cela permet de mesurer l’importance de l’épaisseur de glace au plus fort de la dernière glaciation.
    Enfin dans les parties calcaires, l'eau de fonte des glaciers et aussi la glace elle-même ont creusé de nombreuses grottes, telles celles qui se trouvent sous les ruines de Montréal de Sos. L’existence d’abris naturels a favorisé l’installation des Magdaléniens dans la vallée de Vicdessos, comme en témoignent deux sites archéologiques majeurs : la grotte de la Vache et la caverne de Niaux. On y trouve des dizaines d'œuvres d'art qui nous permettent de reconstituer la vie de l’époque et montrent une faune notablement différente de celle que nous connaissons actuellement : bisons, rennes, antilope saïga, lions des cavernes côtoient des animaux qui nous sont plus familiers tels chevaux, bouquetins, cerfs, ours et loups.

        Deux étendues importantes d’eau attirent le regard depuis le sommet de la Pique d’Endron : ce sont les lacs de barrage d’Izourt et de Gnioure achevés respectivement en 1940 et en 1950. Ils ont été construits à grand peine dans un environnement hostile (une avalanche fit 28 victimes parmi les ouvriers du chantier d’Izourt en mars 1939). Ces deux barrages sont à peu près les seules traces visibles de l’implantation de l’homme, avec les bâtiments de l’usine de Pradières en contrebas et les installations des téléphériques

Il est fréquent de voir des izardsIls font partie d’un vaste programme d’aménagement qui a commencé dès 1908 avec la centrale électrique d'Auzat destinée à fournir l'énergie électrique nécessaire pour l'usine Bergès. Cette usine de production d'aluminium a été implantée dans un secteur au fort potentiel hydroélectrique et a donné une impulsion nouvelle à la vie économique au moment où la sidérurgie subissait la concurrence des hauts-fourneaux du Nord. Elle a permis de désenclaver le fond de la vallée, en créant une voie ferrée. Le barrage de Soulcem a été construit à la suite du choc pétrolier de 1973, et a ajouté un réservoir d’eau de 29 millions de m3 à celui de Gnioure (28 millions de m3) et d’Izourt (8 millions de m3). La fermeture en 2003 de l’usine Péchiney, entre autre pour des raisons de vétusté, a engendré une grave crise dans le Vicdessos : ce sont plus de 150 salariés, dont beaucoup étaient originaires de la vallée qui ont perdu leur emploi.

Un dernier coup d’œil panoramique sur cette montagne que l’homme a essayé de coloniser… avec pour conséquence la diminution de la faune sauvage ; les grands prédateurs en particulier, qui constituaient une menace pour le cheptel, ont payé un lourd tribut à la civilisation : dans l'Aston voisin, 114 ours ont été tués dans l'espace de 53 ans. Même les isards ont été menacés de disparition, pour cause de chasse excessive (le célèbre chasseur d'ours d'Auzat, Joseph Naudy a tué 1500 isards dans sa vie…). Leur nombre est de nouveau en augmentation depuis que la chasse est strictement réglementée, et il est fréquent d’en voir.

    Les marmottes, réintroduites dans les Pyrénées en 1948 sont également bien présentes dans le secteur. Une des rares espèces qui n’ait pas à se féliciter du retrait de l‘homme est celle des vautours : le déclin de l’élevage leur rend la vie plus difficile, même s’ils ne subissent plus maintenant les persécutions dont ils ont pu être victimes à une certaine époque.

Il est bien sûr impossible de quitter ce secteur sans évoquer celui dont on finit toujours par parler, qui que soit l’interlocuteur, quel que soit le sujet de départ : celui qui cristallise toutes les passions, le « moussu ». Notez bien : on ne vous dira jamais « j’ai vu un ours», mais « j’ai vu l’ours ». C’est comme s’il n’était pas question d’un représentant d’une espèce animale, mais d’une entité… quelque chose qui plane sur les montagnes, laissant de-ci de-là des traces et des légendes.
        Des histoires concernant l’ours, tous les habitants d’ici en ont une, qu’ils racontent en baissant la voix, et qui se passent toujours dans des endroits un peu mystérieux, par exemple au cimetière de la Unarde, lieu mythique d’une très ancienne bataille… Ces rencontres ont lieu le soir, à la tombée de la nuit, ou dans un petit matin brumeux…. Mais les histoires d’ours, cela ne se répète pas !

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