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Des traces de civilisation agropastorale

On emprunte un sentier tracé et balisé qui permet de prendre rapidement du dénivelé. En été des troupeaux de moutons, de race tarasconnaise, paissent librement entre les pylônes. On passe à côté de l’orri  de Nan qui servait de cabane pastorale durant la transhumance estivale.
Les orris étaient construits en pierres sèches, puis pour en garantir l’étanchéité on les recouvrait de mottes de gispet, cette graminée caractéristique des sols siliceux pyrénéens.
Ils avaient une envergure de deux à trois mètres et l'on pouvait à peine s’y tenir debout. Au fond, il y avait un empilement d'herbes, de mousses et de feuilles qui servait de couche au berger.
Le reste de l'empla-cement était occupé par le foyer, d'où montait une fumée qui s'échappait par la porte ou par les interstices entre les pierres. Parfois, à côté de l’orri ou attenant à celui-ci, se trouvait le mazuc, dans lequel étaient entreposés les fromages, le persillé d’Auzat ou le fromage de Bassiès.
Chaque famille possédait un ou plusieurs orris (généralement un « orri du bas » vers 1500m et un « orri du haut » vers 2200m). Ils étaient situés au centre d’une jasse, où le bétail pacageait et dormait à la belle étoile ; les troupeaux se déplaçant d’un orri à l’autre pour laisser repousser l’herbe.
Le nom, qui a trois orthographes (horry, orry et orri)pourrait venir du latin "horreum" (grenier) ou "hortus" (jardin). Les orris étaient mentionnés dans les chartes du Moyen Âge sous les termes "horréum", "orréum", "orrée". En occitan, le verbe "orriar" signifie « aller sur la montagne »

Le secteur de Vicdessos est particulièrement riche en orris ; leur densité nous montre que lors du maximum démographique la montagne a été exploitée jusque dans des endroits isolés et escarpés.

Le déclin du pastoralisme et de la transhumance a entraîné une dégradation des chemins, la fermeture progressive des estives… et l’abandon des orris. Quelques-uns étaient encore utilisés et entretenus dans les années 1950 ; celui du Carla près de l'étang de Soulcem fut le dernier utilisé en 1968.

    Aujourd'hui, les moutons ou les bovins pacagent seuls dans la montagne. Le berger ne vient les voir en principe qu'une ou deux fois par semaine, et quand il choisit de rester dormir en altitude il utilise des cabanes plus spacieuses et plus confortables. L'orri n'est plus qu’un refuge pour le randonneur surpris par un orage, ou parfois un abri pour entreposer du sel et des remèdes pour les troupeaux.

    Les prairies traversées sont constituées de végétaux qui acceptent de pousser sur les roches siliceuses, comme par exemple le gispet (festuca eskia dont on recouvrait les orris. Cette plante aux feuilles piquantes qui constitue le fond de la végétation des pâturages a une valeur pastorale médiocre, mais elle est un excellent stabilisateur des versants. Se faufilant entre bruyères et rhododendrons, on trouve aussi une petite plante rampante, qui se ramifie en de nombreuses lanières velues : le lycopode à massues, qui est utilisée en herboristerie. Ce sol assez pauvre est un lieu de nidification pour le lagopède, la perdrix grise, et le tichodrome échelette ; les grands rapaces (gypaète, vautour fauve, aigle royal) survolent le secteur, mais n’y nichent pas.  En faisant un détour vers  les mouillères du fond du vallon on peut constater la présence de deux petites plantes carnivores : la grassette et la rossolis à feuilles rondes
    On rejoint la crête au pic de Sarrasi, dont le nom n’est pas une référence aux Sarrasins, mais provien-drait de « serra » (sommet allongé en occitan). A partir de là, il faut suivre le fil de l’arête, ce qui impose un peu de vigilance à certains endroits, puis on arrive à la partie sommitale, d’aspect très débonnaire.
Le sommet est le point de confluence de trois lignes de crêtes nettement marquées délimitant des secteurs dont chacun a sa spécificité tant géographique qu’historique.
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