précédente        Sommaire        suite

A la découverte des centres du commerce et de l’artisanat

La vallée en dessous d’Olbier a été habitée très tôt : son sol constitué de dépôts morainiques est fertile et donc propice à l’activité agricole. Des villages y ont été édifiés dès le 10ème siècle, comme Onost non loin du lieu de l’actuelle Auzat. Lorsque l’activité métallurgique s’est développée à la fin du 13ème siècle, les forgeurs se sont installés à l’écart du lieu d'extraction, cherchant des emplacements plus spacieux aux carrefours des voix de communication pour acheminer le produit fini. C'est ainsi que s’est constitué dans la vallée "VIC-DE-SOS" « le village de dessous » qui n’est pas directement visible depuis la Pique d’Endron puisque caché par la crête nord-ouest. Le village d’Auzat s’est également développé mais ne bénéficia pas du statut de siège du pouvoir judiciaire et administratif de la communauté que concédaient les chartes du 13ième siècle à Vicdessos.

Les forges ne fonctionnaient que sept à huit mois par an (à cause du gel en hiver, du manque d’eau en été, du manque chronique de charbon,…) mais faisaient vivre un nombre non négligeable de familles.

Les forgeurs, qui travaillaient 12 à 14 heures par jour, appartenaient à un corps héréditaire très fermé qui constituait l'aristocratie ouvrière. La preuve : le pain blanc qui était une nourriture de fête était appelé "Pa de la fargo" (pain de forgeurs). Vivant avec aisance, le maître de forge était tout puissant sur ses ouvriers qu'il pouvait licencier sans avertissement ni compensation. Il y avait quatre ouvriers maîtres aidés de leurs valets : le foyé entretenait le creuset, le maillet travaillait le fer à l’aide du « martinet », un marteau de plus de 600kg, qui servait à  réduire le minerai avant la fonte, et aussi à le battre ensuite pour en retirer les impuretés Quant aux deux escolas, ils surveillaient le minerai en fusion. Des perfectionnements continus dans le système des forges à la catalane, ont permis d'atteindre à la fin du 18ième siècle des productions de 120 kilos par feu, attestant du savoir faire des forgeurs ariégeois. En 1786, le comté de Foix produisait environ 2600 tonnes de fer qu'il exportait à l'état brut dans d'autres contrées.
    Le commerce était donc vital pour la région ; il se faisait à dos de mulet ou d’hommes sur de difficiles chemins entretenus au prix de gros efforts. Marchands et muletiers, bergers et troupeaux mais aussi colporteurs, ouvriers, saisonniers, mendiants franchissaient régulièrement la frontière qui n'était pas encore la barrière qu'elle deviendra. Il existait une grande unité de vie de part et d'autre de celle-ci.
    Des accords entre vallées (les lies et passeries) garantissaient le commerce, le pacage et la sécurité des personnes même en temps de guerre entre les états. Depuis 1293, les passeries étaient très vivantes entre Valferrer et Vicdessos : les catalans fournissaient du bois, du sel, de l’huile d’olive ; les députés espagnols venaient chaque année à Vicdessos le dimanche après la Saint-Jean rendre hommage au Roi de France et prêter serment de fidélité au consul du lieu. Même cérémonie à Siguer qui était liée à Ordino : on jouait aux quilles et ceux qui perdaient (toujours les Andorrans !) payaient à boire…. Mais la proximité de la frontière favorisait la présence de détrousseurs et contrebandiers. Il y a même eu de véritables bandes organisées qui rançonnaient les voyageurs, volaient charbon et fer dans les forges et n’hésitaient pas à forcer la porte des églises
    On peut cependant considérer que globalement, à la fin du 18ième siècle, la population du Vicdessos vivait plutôt mieux que le reste des Français, en particulier grâce aux efforts consentis par les consulats en matière :

De justice fiscale : la mise en place du système de la « taille réelle » qui permettait à chacun de payer un impôt en fonction de ses ressources s’ajoutait aux avantages qui existaient depuis le Moyen Âge dans le domaine agricole (libre droit de pacage, de coupe de bois, de chasse et de pêche).
D’hygiène : la santé était confiée à un médecin qui devait soigner les plus pauvres gratuitement à domicile ou à l'hôpital (le curé Henri des Innocents en avait fondé un en 1705 à Niaux). Il pouvait demander aux plus aisés entre 10 et 30 sous et s'attribuer des indemnités dans les périodes d'épidémies. Pour lutter contre la pollution des rues, on a réglementé le vidage des pots de chambre par la fenêtre à certaines heures et mis en place un système de collecte des immondices.
De travaux de voirie : les Etats de Foix se sont attaqué au problème des voies de communication en lançant un programme de grande ampleur avec des crédits qui sont passés de 200 livres en 1739 à 180 000 livres en 1787. Les routes du Rancié et de Vicdessos ont été ouvertes en 1756. Mais les routes sont souvent coupées par la rupture des ponts vétustes en bois ou emportées par les crues. Le pont de pierre de Tarascon prévu pour 1777 ne fut terminé qu’en 1831 après la crue de 1827 qui avait emporté le chantier.
D’enseignement : la classe était faite par un « régent » (celui de Vicdessos était aussi organiste de l'orgue de l'église). On faisait classe de la Toussaint à début septembre (septembre et octobre étaient chômés pour que les enfants puissent participer aux travaux agricoles, importants avant l’hiver) avec congé le jeudi. L’école d’abord réservée aux garçons était aussi ouverte aux filles depuis le 17ième siècle grâce aux Régentes de Caulet qui accueillaient les fillettes notamment à Vicdessos (elles sont rémunérées 20 livres alors que le régent en touche 80…). Ces petites écoles ont donné à quelques enfants du haut pays les moyens d'accéder à la culture et de devenir l'élite intellectuelle et sociale. Mais la grande masse de la population demeurait illettrée et utilisait surtout la langue occitane pour communiquer ; de surcroît, l'absence de professeurs ou le manque d’argent pour les rémunérer pouvaient interrompre la scolarité pendant de long mois voire des années.

Précédente       Sommaire        LIRE LA SUITE