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Le coeur économique : la mine du Rancié au sein de la vallée de Sem

Entre la Pique d’Endron et le pic du Garbié de Brésoul, on suit une direction nord-est en dominant de part et d’autre des versants couverts de rhododendrons et de myrtilles, végétation typique de la reconquête des estives par le milieu naturel.
img21Lorsqu’on arrive au niveau du pic du Garbié de Brésoul, la crête se sépare en deux parties : la branche occidentale court jusqu’au pic de Risoul où elle se perd dans le système complexe de falaises calcaires qui plongent dans la vallée du Vicdessos. La branche orientale s’incurve vers le nord-est en direction de Laramade, point de confluence du Siguer et du Vicdessos. Les deux parties enserrent l’étroite vallée de Sem sur le flanc de laquelle s’ouvrent les galeries de la mine de fer du Rancié. Cette mine aujourd’hui désaffectée était connue dès l’Antiquité : 3 bas fourneaux et 10 emplacements de charbon-nage datant du 3ième siècle ont été mis à jour entre Sem et Lercoul. La richesse et la qualité de son minerai, de la pure hématite rouge ou brune, associée à de l’oxyde de manganèse, permettait l’obtention d’un acier résistant à l’oxydation.
Par la charte de 1293,  les comtes ont reconnu « omnibus et singulis habitatoribus »   aux habitants le droit
    -de travailler dans les mines de la vallée 
    -de fabriquer et d'aiguiser tout instrument de fer 
    -de faire du charbon de bois
    -d'exporter le fer hors de la vallée
C’était conforme au le régime d'utilisation communautaire des richesses minérales, coutumier dans l'ensemble des Pyrénées et également avec les droits d’usage en vigueur sur le plan agricole. Chaque mineur disposait du produit de son travail (on a pu parler de « la mine aux mineurs »), mais la "police de la mine" était sous contrôle des consuls.
Entre le 13ième et le 19ième siècle, les modes d'exploitation de la mine n’ont guère évolué: l'équipement du mineur était constitué d'une hotte sur le dos, d'une lampe à la bouche, d'une pioche sur l'épaule, d'un briquet, d’amadou, de coton, et d’une petite corne remplie d'huile d'olive (venue d’Espagne) à la ceinture. Les mineurs étaient membres d'une corporation très fermée où l’on entrait par le mariage. Ils faisaient des journées de sept heures en hiver et onze heures en été. Les pierriers ou piqueurs attaquaient la mine, les gourbatiers transportaient le minerai à raison de 90 à 100 Kg par voyage en se hissant sur une rampe de quatre cents à six cents mètres de long avec une pente à 80% , la lampe aux dents. Tous vivaient dans l'angoisse des éboulements. Il y avait en moyenne une soixantaine d’accidents par an avec un ou deux morts et des dizaines d'handicapés à vie.
Au début du 19ème siècle l’activité industrielle de la Haute Ariège était à son apogée, et la démographie à son maximum (on peut presque parler de surpeuplement).
La forêt, qui semblait une ressource inépuisable, était utilisée pour des besoins quotidiens des habitants. La quête de bois pour faire chauffer la marmite était dévolue aux jeunes filles et aux femmes. Après la mise en place du Code Forestier, ce sont elles qui se sont trouvées confrontées aux gardes chargés de faire respecter la loi. Certains jouaient du prestige de leur uniforme vert pour faire payer aux contrevenantes l'amende prévue en nature. Leurs frasques croustillantes ont été étalées devant les tribunaux.

Sem vers 1910Mais surtout la forêt était pillée pour alimenter les forges en charbon de bois (chaque forge engloutissait 100 hectares de forêts par an). Conséquences de cette intense activité : une réduction drastique du domaine forestier et une évolution de la répartition des espèces. Le pin sylvestre cède la place au hêtre, espèce privilégiée pour ses qualités à la fois physique (la droiture des fûts facilite leur débardement par les glissières ou par les animaux) et chimique  (c’est un bois de meilleure qualité pour le chauffage et le charbon de bois).  Une exception notable : au 17ième siècle, on a reboisé en sapins les environs de Lercoul, et on peut encore voir cette vieille futaie de sapins

Sem en 2005Depuis la fermeture de la mine en 1931, la forêt a regagné du terrain tandis que le village se dépeuplait comme on peut le constater en comparant les deux clichés ci-contre, pris à un peu moins d’un siècle d’intervalle

La mairie de Sem abrite une exposition d’objets d’époque, de photos, et de documents écrits retraçant l’histoire de la mine. A partir du village, on peut aussi emprunter le chemin de Cavallère, qui descend le long de la rivière (un passage du torrent peut se faire en canyoning) ; c’était jadis, comme le rappellent des panneaux, une voie de communication essentielle pour acheminer la "pierre ferrue" aux entrepôts de Cabre. D'une largeur d'environ cinq mètres et pavé de pierres à la façon des voies romaines, il permettait le croisement des convois de mulets montants et descendants.
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